TABAC (aquarelle de Nicotiana kolorierter)
Solanacée, le Tabac , capable du meilleur comme du pire. Selon les périodes, le Tabac a en effet été considéré alternativement comme « panacée universelle » ou « drogue mortelle » !
Découvert en 1492 lors de la première expédition de Christophe Colomb dans l’île d’Hispaniola (Haïti, dans les Antilles), le Tabac fut très vite utilisé en Espagne.
Il y arriva auréolé d’une réputation de guérisseur : à Cuba, des colons espagnols blessés par des flèches ennemies avaient été guéris, sur les conseils d’un Indien, par du jus et des feuilles sèches de Tabac appliqués sur les plaies. Le Tabac est alors désigné comme » l’herbe vulnéraire des Indes ».
En France, c’était un moine cordelier, André Thévet, qui en avait ramené les graines et l’avait fait connaitre.
Il l’appelait , comme les Indiens du Brésil, ‘pétun » qui donna le verbe pétune qu’Edmond Rostand emploie dans Cyrano de Bergerac : « … Ça Monsieur, lorsque vous pétunez, la vapeur du tabac vous sort-elle du nez sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée? »
En 1558, Jean Nicot, nommé ambassadeur de France au Portugal, envoya des échantillons de Tabac à Catherine de Médicis, en lui citant les guérisons opérées par cette plante sur des ulcères.
Après l’avoir paraît-il expérimenté pour guérir ses migraines, la reine fût à l’origine de la mode du Tabac, à la Cour, puis dans tout le royaume.
« Herbe à l’Ambassadeur » , il était censé guérir l’hydropisie, la gale, les écrouelles… « Avec les feuilles on faisait des parfums, des pilules, des sirops, des baumes, onguents, etc.
On alla si loin qu’on fut sur le point d’abandonner le reste des médicaments pour ne se servir que de « l’Herbe sainte ».
Peu à peu, la culture du Tabac s’étendit dans le monde : en 1580, en Turquie, en Russie; en 1590, aux Indes, au Japon ; en 1600, aux Philippines, en Indochine.
« Dès le milieu du XVII siècle, le tabac était cultivé sur pratiquement toute la planète ». Prisé, fumé, chiqué…
Cette euphorie fut calmée en Angleterre par le successeur d’Élisabeth I : Jacques I.
Ce roi détestait l’odeur du Tabac que ses courtisans fumaient dans des pipes, mode qui avait été rapportée de Virginie en 1586 par sir Walter Raleigh.
Le roi écrivit lui-même un pamphlet sur l’usage du Tabac, Misocapnos (« Celui qui hait la fumée ») : « … ses noirs tourbillons de fumée ressemblent aux vapeurs qui s’échappent des enfers… »
A partir de là, faveurs et persécutions se succédèrent… jusqu’à nos jours.
En 1642, le pape Urbain VIII, par une bulle, menaça d’excommunication « …les personnes des deux sexes, même les prêtres et les clercs…qui infectent nos temples d’une odeur repoussante ».
Mais au début du XIX ième siècle, cette bulle fut révoquée par Clément XI.
En Turquie, le sultan « faisait pendre des fumeurs autant qu’il en trouvait, après leur avoir fait percer ne pipe au travers du nez » , rapporta le botaniste Pitton de Tournefort après son voyage au Levant.
Mais on avait vite compris le profit que l’on pouvait retirer de la consommation du Tabac.
C’est ainsi que, au début du XVII ième siècle, le tsar Pierre le Grand -dont le grand père faisait couper le nez des fumeurs- autorisa la vente du Tabac en Russie par des négociants anglais, contre 15 000 livres sterling.
En France, Richelieu créa un impôt sur son commerce.
Sous le règne de Louis XIV, l’usage du Tabac à priser était si répandu que Colbert décida alors d’en faire un monopole d’État, condamnant les contrevenants aux galères.
Le fermage, d’abord concédé à Madame de Maintenon, fut vendu en 1725 à la Compagnie des Indes, mais Louis XV le reprit rapidement : « C’est une des branches les plus importantes du revenu » -Voltaire à la même époque se demandait : « le Tabac a-t-il été fait pour le nez, ou le nez pour le Tabac? »
Supprimé à la Révolution, repris par Napoléon Ier en 1811, ce monopole du Tabac servit en 1926 à juguler la crise financière :
Le président Poincaré en versa les revenus à la nouvelle Caisse autonome de l’amortissement de la dette publique après en avoir confié la gestion a la SEIT (Service d’exploitation industrielle du tabac) qui devient quelques années plus tard, en 1935, la SEITA quand au Tabac furent jointes les allumettes.
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